Veolia Eau France, la transformation par le Cloud

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Dans le cadre de sa stratégie de digitalisation, Veolia Eau France s’est engagé dans une migration massive sur le Cloud public. 240 applications seront ainsi migrées à terme, avec pour objectif, entre autres, de réduire le time to market, d’améliorer l’accessibilité des services, et de réduire les coûts de l’infrastructure. Nous avons rencontré Julien Largillière, Directeur du Domaine Plateformes Veolia Eau France, afin d’évoquer les enjeux et les modalités de cette stratégie de transformation par le Cloud.

Julien Largillière

Passionné par les technologies et rockeur dans l’âme, Julien Largillière a occupé différentes fonctions et rôles dans le groupe Veolia, avant d’y créer une Cloud factory en 2014. En 2016, il est devenu Cloud manager avec pour mission d’amener l’adoption d’AWS et Google Cloud Platform dans différentes entités à travers le monde. Depuis 18 mois, il est Directeur du Domaine Plateformes dans l’entité Veolia Eau France où son équipe est en charge de toute la construction, de la transformation et du maintien en condition opérationnelle des environnements Cloud.

Pouvez-vous présenter le contexte de la transformation digitale ?

Veolia Eau France, née des activités de la Générale des Eaux créée en 1853, est une vaste entreprise. Elle a vécu de nombreuses transformations ces deux siècles derniers, et a su se développer et se diversifier en s’adaptant continuellement à son contexte et aux besoins de ses clients.

Le poids de l’histoire a engendré un système d’information pour partie décentralisé, enrichi fonctionnellement au fil de l’eau, et qui s’est avéré dorénavant complexe dans sa diversité et dans sa structure.

La “Digitalisation à tous les étages”, chère à notre Directeur Général, Frédéric Van Heems, est un axe important de notre plan stratégique Osons 20/20 ! Il concerne autant nos opérations internes que nos offres, et ce, à toutes les niveaux de l’entreprise. Nous avons là un élément fort de différenciation face à une concurrence accrue, en proposant des solutions innovantes, en fidélisant nos consommateurs par nos services, et en apportant davantage d’efficience opérationnelle à nos agents sur le terrain ou à nos fonctions support.

A travers une stratégie globale repensée et soutenue aux niveaux les plus élevés de l’entreprise, s’articulent différentes réflexions pour soutenir cette transformation :

  • Les relations avec nos clients, nos partenaires et fournisseurs
  • Nos processus métiers
  • L’organisation
  • Le changement culturel et les nouveaux usages
  • La transversalité de nos services IT

De ces analyses sont nées des convictions et une cible :

  • Partager une vision globale pour l’ensemble des acteurs
  • Mettre le client au coeur de notre stratégie
  • Former les collaborateurs aux nouvelles technologies du Cloud & du Digital
  • Transformer l’organisation, lui donner une véritable dimension transverse et collaborative
  • Valoriser notre patrimoine de données (notre mine d’or)
  • Transformer l’existant et le mettre à disposition de nouveaux services à forte valeur ajoutée

Comment la migration vers le cloud s’inscrit-elle dans ce cadre ?

En 2014, La DSI de Veolia Eau France hébergeait l’ensemble de ses applications nationales au sein de plusieurs datacenters en France, pour desservir près de 15 000 utilisateurs internes et plus de 7 millions de clients finaux.

Notre transformation fût guidée par des lignes directrices sur les delivery models :

  • SAAS (Repurchasing) : un service clé en main existe-t-il sur la marché et répond-il aux besoins ?
  • PAAS (Refactoring) : si aucune solution SaaS n’existe, avons-nous la possibilité de réécrire l’application en mode Serverless ?
  • IAAS (Rehosting, Replatforming) : le cas échéant, l’application concernée est-elle éligible ?

Le Cloud public est apparu comme une évidence afin de pouvoir entamer cette migration massive de près de 240 applications et de 4000 assets physiques “On Premise”.

Nous avons opté pour l’usage intensif mais responsable des offres partenaires d’AWS (Amazon Web services) et de GCP (Google Cloud Platform) avec une stratégie articulée autour d’une matrice d’éligibilité et de préceptes du Cloud Veolia :

  • migration IAAS sur AWS
  • migration de données et nouvelle application métier sur le PAAS de Google Cloud Platform

Quels sont les bénéfices attendus de cette migration ?

  • Réduire nos coûts grâce au paiement à l’usage
  • Rendre accessibles nos services à tous (Anytime, Anywhere, Any device)
  • Profiter de la scalabilité à la demande pour consommer au plus juste
  • Améliorer le Time to Market
  • Avoir une meilleure disponibilité et une meilleure résilience de nos services
  • Stocker nos data précieuses sur des environnements sécurisés
  • Standardiser et industrialiser nos servitudes d’infrastructure
  • Améliorer la satisfaction de nos utilisateurs
  • Contribuer à avoir une empreinte environnementale optimisée
  • Devenir un réel Business partner et limiter le Shadow IT
  • Supporter une nouvelle organisation de la DSI plus responsabilisante (mini DSI par domaine fonctionnel)

Quels sont les challenges rencontrés (techniques, humains, organisationnels)

Les challenges ont été nombreux, mais l’accent premier a été mis sur l’Humain. La technologie ne restant qu’un moyen, c’est bien sur les équipes que tout repose. Et pour paraphraser Henry Ford :

“Prenez-moi tout, mais laissez moi mes Hommes et je reconstruirai”.

Concernant nos collaborateurs, nous avons identifié de forts potentiels et avons lancé un vaste programme de formations certifiantes sur Google et Amazon Web Services. A ce jour ce sont plus de 80 personnes dans notre entité qui ont pu bénéficier de ce programme.

Nous avons accompagné de nombreux collaborateurs sur le long terme afin qu’ils appréhendent les rôles et fonctions de nouveaux métiers du Digital au sein d’une DSI : UX designer, architecte Cloud, architecte Big Data, Sysops, Devops, Finops, Secops, Techlead, Product Owner, Data Scientist, etc…

Par ailleurs, nous avons travaillé à l’attractivité de notre structure, nous ne sommes pas Spotify certes, mais avons un terrain de jeu bien plus vaste pour nous et des immensités à découvrir encore !

D’un point de vue organisationnel, nous avons cassé les codes d’une organisation classique, pyramidale, structurée en silos, avec des projets en cycles en V qui n’aboutissent jamais. Grâce aux principes de l’agile et la mise en oeuvre d’itérations courtes, de pizzas teams, du Visual Management et du droit à l’échec avec la doctrine du “Quick Win or Fail Fast”, certaines idées du métier ont pu se transformer en réelles applications en production quelques mois plus tard. Ceci était inconcevable seulement quelques années plus tôt.

Indéniablement, le rôle du management est clé dans toute transformation, et je souhaiterais remercier particulièrement Didier Bove (CIO Veolia Eau France) ainsi que Marc Demougeot (CEO VWIS) d’être moteurs de cette démarche au quotidien et de nous en donner les moyens.

Il a fallu également revoir le format des interactions avec les sociétés tierces de notre écosystème (ESN, intégrateurs, TMA, Infogérance) nous accompagnant dans cette démarche globale.


D2SI fût une aubaine : depuis ces 4 dernières années, l’aide précieuse à la formation de nos collaborateurs sur AWS et GCP, l’organisation de Bootcamps, et leur expertise incontestable autour de l’automatisation et l’industrialisation, en soutien et support à la demande sur nos programmes de migrations massives, ont été d’un apport structurant.

Quelle est la situation à ce jour ? Quelles sont les prochaines étapes ?

A ce jour, et en cette fin d’année 2018, nous avons “digitalisé” au travers et grâce au Cloud public, près de 90% de notre Système d’information national, et après plusieurs années de challenges, de tentatives et d’itérations, de difficultés, de doutes, le résultat est au rendez-vous avec une approche globale et une cible visible d’une démarche #Datacenterless.

De plus, en support au métier, de nouveaux services ont été digitalisés, tels que la relation client avec un CRM Salesforce récemment déployé et intégré aux autres services nationaux cloudifiés.

Autre exemple concernant la digitalisation de nos opérateurs sur le terrain : un programme intitulé “Hypervision 360” permet de valoriser l’ensemble de notre patrimoine de données métiers, de les corréler, de rendre la donnée intelligente et intelligible, avec pour but premier de faciliter les opérations du terrain à travers des modules pertinents. Dès demain, l’IA viendra compléter le panel des offres internes.

Enfin, un Hub Digital, matérialisé par notre Digital’Lab physique a ouvert ses portes à tout Veolia et à ses partenaires afin de collaborer et réfléchir sur les outils de demain. Nous y parlons de réalité virtuelle, augmentée ou mixée, d’IOT, de chatbots, d’assistants virtuels, d’IA, avec une volonté unanime comme moteur, de sécuriser, grâce au Digital, le travail de nos collaborateurs sur le terrain.

Pour prochaine étape et non la plus simple, nous allons adresser dans les mois à venir, le périmètre industriel, à savoir le pilotage et l’exploitation des usines : notre coeur de métier.

Quel est votre retour d’expérience sur la transformation cloud ?

L’adoption du Cloud public par l’ensemble de nos clients ne fût pas une mince affaire, elle a pris du temps, il y a quelques années, les craintes étaient nombreuses. Souvent de manière infondée mais c’est un état de fait.
Il a fallu user de patience, de communication et de conviction afin que le Cloud entre dans les moeurs de l’entreprise et que tout le monde saisisse la valeur ajoutée indéniable pour supporter efficacement le business.

Nous pouvons également aborder des sujets très pragmatiques et que toute direction suit de près : les coûts. Nous en parlons peu car l’apport business l’a emporté, mais un avantage non négligeable des possibilités offertes par le modèle Cloud public, reste la possibilité de monitorer correctement ses dépenses et de dégager des économies importantes. Cela permet de présenter les bénéfices qui viendront financer l’innovation pour le futur en contrepartie.

Quels sont les facteurs clés de succès pour l’adoption par les équipes ?

  • Les ressources et les compétences
  • L’ explication et l’acceptation d’une stratégie
  • Une organisation disruptive
  • Être moteur en tant que manager dans la transformation
  • Changer les codes du travailler ensemble

Quels sont les retours des BU métier ?

Nous sommes dorénavant loin du rôle limité d’une DSI qui était un centre de coûts et réduit au rôle de support utilisateurs. Bien que nécessaire, afin de servir des laptops, imprimantes et mobiles pour l’ensemble de salariés, nous voulons servir notre ambition de Business Partner.

La migration massive d’applications métiers vers le Cloud fût l’équivalent d’une longue période d’essai, il en ressort un taux de satisfaction en hausse de 30% sur l’ensemble du périmètre, tant sur la performance des systèmes et applications, leur disponibilité, que sur les coûts.

Aujourd’hui, nous travaillons main dans la main, et au delà d’une valeur perçue de la DSI, elle est bien réelle, l’IT est dorénavant et systématiquement sollicitée pour toute initiative.

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